Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
les promenades littéraires

récits descriptifs et poétiques autour d'un lieu que l'on connaît et que l'on redécouvre en marchant...

Mes promenades 3 : L'heure brévinoise 3- Promenade à Saint-Brévin

Mes promenades 3 : L'heure brévinoise  3- Promenade à Saint-Brévin

                                                                            Mes promenades 3

 

                                     L'heure brévinoise :

 

 

                   3- Promenade à Saint-Brévin

 

 

 

                    Avant-propos

 

 

Suzette, ma soeur aînée, sortait parfois danser au Pavillon des Fleurs. Quel nom pouvait mieux convenir au bastringue de Saint-Brévin tant cette ville  m'apparaît toujours florale de l'église et la mairie jusqu'aux dunes et même, au-delà de la plage, dans les touffes mousseuses qui poussent sur le vaste affaissement des vagues ?...

 

                       PM

 

    Le ciel s'est voilé. Des âcretés d'humus, des amertumes de lierre assourdissent l'odeur aiguë des pins. Les mimosas se mêlent aux genets dans des fourrés que colore à peine de temps à autre le crépon bleu des hibiscus. Les villas silencieuses se cachent entre les taillis dont l'ombre s'empâte. On songe aux fins de saison, aux hivers venteux dans la lumière ternie, quand la mer gerce le regard d'un sourd miroitement de givre gris vert, quand les plumeaux décolorés des tamaris battent sous la bise tout le long du remblai vide, quand, à la lisière des lopins boisés, l'ombre vitreuse semble cloquer de froid dans les interstices des roseaux, des genets, des branches nues. On est descendu cette année-là quand toutes les villas hibernaient encore, closes et comme rétractées dans l'ombre fade de leur niche. Un rayon se risque, emmielle un muret blanc, disperse sur l'ombre brunie des éclats de jade, empoussière à la hâte d'un curieux jaune certains feuillages, puis abandonne. On croit sentir dans l'essoufflement de la bise des langueurs printanières mais la lumière ne suit pas, fait persister tout le jour ses blêmissements d'aube, jusqu'à ce que s'allume en un matin, comme un éclairage diurne et qui embaumerait, l'inflorescence floconneuse, la neige citronnée des mimosas.

 

    Cet après-midi le soleil tape continûment. Avenue du Vieux Logis, les bouquets de feuilles de chêne montent dans un dégoulinement d'ombre, plus frisés que les laitues de mer. Les frondaisons des pins craquellent sur l'azur torride, plus noires que les goémons secs. L'odeur de résine, alourdie, rejoint l'âcreté sourde du sable qu'on foule. Là où l'allée des Cigales prolonge le boulevard de l'Océan, un coulis de brise tiède vous enivre. Alors l'envie vous prend de courir dans les dunes du rivage, de sauter par-dessus les touffes d'immortelles et leur odeur de café brûlant, de frôler d'une main rapide les épis touffus des oyats, de ramper entre les lianes vert frais du liseron, de chercher près de leurs calices bleus ou des giroflées mauves la fleur qui souffle des fraîcheurs de jardin clos à deux pas de l'océan, les trois plumes ébouriffées de l'oeillet maritime, dont le rose pâle bleuit à l'ombre. Vous n'en avez pas trouvé peut-être, et, frustré de leur parfum, vous jetez sur la mer un regard comme avide. Près de la plaque réverbérante où les couleurs s'étouffent sous un granité blanc, vous cherchez le secret de ce mouvant délice qui travaille vos viscères, y étale et y fond des paillettes de menthe bleue sur d'épaisses crèmes à la prâline, à la pistache, au citron, dans l'incessant et bleuâtre feuilletage de la lumière.
    Le vent d'ouest a molli sous la chaleur ce tantôt-ci. Il court moins vite que les enfants sur la langue d'eau mousseuse. On fait comme eux. On tape exprès des pieds avec des claquements élastiques le sable aqueux mais ferme jusqu'à faire gicler aux genoux une corolle d'eau diaphane. On a bien fait dix mètres dans la mer qu'on ne baigne guère plus que les chevilles. On s'arrête alors pour cueillir du regard la végétation d'eau qui dissémine ses touffes. La mer qui monte à Saint-Brévin n'est certes pas celle qui casse ses rouleaux vers Pornic sur les éboulis des falaises. Mais à Tharon même je n'ai pas vu glisser autour de moi sur une onde un peu pentue - des derniers gonflements de houle jusqu'au sable lisse - ces frisottis éparpillés presque aussi ronds et guère plus larges que les touffes d'immortelles des dunes...

 

Extrait de Peintures sur Jade de Philippe Moriceau, éditions du Lys Bleu. 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article